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.Heureusementque le monde est un sépulcre, que les hommes et parconséquent les femmes sont des ombres, que l'amour estun sentiment dont vous faites fi!- Ah! d'Artagnan, d'Artagnan! s'écria Aramis, tu me faismourir!- Enfin, la voici!" dit d'Artagnan.Et il tira la lettre de sa poche.Aramis fit un bond, saisit la lettre, la lut ou plutôt ladévora; son visage rayonnait."Il paraît que la suivante à un beau style, ditnonchalamment le messager.- Merci, d'Artagnan! s'écria Aramis presque en délire.Ellea été forcée de retourner à Tours; elle ne m'est pasinfidèle, elle m'aime toujours.Viens, mon ami, viens queje t'embrasse; le bonheur m'étouffe!"Et les deux amis se mirent à danser autour du vénérablesaint Chrysostome, piétinant bravement les feuillets de lathèse qui avaient roulé sur le parquet.En ce moment, Bazin entrait avec les épinards etl'omelette."Fuis, malheureux! s'écria Aramis en lui jetant sa calotteau visage; retourne d'où tu viens, remporte ces horribleslégumes et cet affreux entremets! demande un lièvrepiqué, un chapon gras, un gigot à l'ail et quatre bouteillesde vieux bourgogne."Bazin, qui regardait son maître et qui ne comprenait rienà ce changement, laissa mélancoliquement glisserl'omelette dans les épinards, et les épinards sur le parquet."Voilà le moment de consacrer votre existence au Roi desRois, dit d'Artagnan, si vous tenez à lui faire unepolitesse: Non inutile desiderium in oblatione.- Allez-vous-en au diable avec votre latin! Mon cherd'Artagnan, buvons, morbleu, buvons frais, buvonsbeaucoup, et racontez-moi un peu ce qu'on fait là-bas."Chapitre XXVII.LA FEMME D ATHOS"Il reste maintenant à savoir des nouvelles d'Athos", ditd'Artagnan au fringant Aramis, quand il l'eut mis aucourant de ce qui s'était passé dans la capitale depuis leurdépart, et qu'un excellent dîner leur eut fait oublier à l'unsa thèse, à l'autre sa fatigue."Croyez-vous donc qu'il lui soit arrivé malheur? demandaAramis.Athos est si froid, si brave et manie si habilementson épée.- Oui, sans doute, et personne ne reconnaît mieux que moile courage et l'adresse d'Athos, mais j'aime mieux sur monépée le choc des lances que celui des bâtons; je crainsqu'Athos n'ait été étrillé par de la valetaille, les valets sontgens qui frappent fort et ne finissent pas tôt.Voilàpourquoi, je vous l'avoue, je voudrais repartir le plus tôtpossible.- Je tâcherai de vous accompagner, dit Aramis, quoique jene me sente guère en état de monter à cheval.Hier,j'essayai de la discipline que vous voyez sur ce mur, et ladouleur m'empêcha de continuer ce pieux exercice.- C'est qu'aussi, mon cher ami, on n'a jamais vu essayer deguérir un coup d'escopette avec des coups de martinet;mais vous étiez malade, et la maladie rend la tête faible,ce qui fait que je vous excuse.- Et quand partez-vous?- Demain, au point du jour; reposez-vous de votre mieuxcette nuit, et demain, si vous le pouvez, nous partironsensemble.- A demain donc, dit Aramis; car tout de fer que vousêtes, vous devez avoir besoin de repos."Le lendemain, lorsque d'Artagnan entra chez Aramis, il letrouva à sa fenêtre."Que regardez-vous donc là? demanda d'Artagnan.- Ma foi! J'admire ces trois magnifiques chevaux que lesgarçons d'écurie tiennent en bride; c'est un plaisir deprince que de voyager sur de pareilles montures.- Eh bien, mon cher Aramis, vous vous donnerez ceplaisir-là, car l'un de ces chevaux est à vous.- Ah! bah! et lequel?- Celui des trois que vous voudrez: je n'ai pas depréférence.- Et le riche caparaçon qui le couvre est à moi aussi?- Sans doute.- Vous voulez rire, d'Artagnan.- Je ne ris plus depuis que vous parlez français.- C'est pour moi, ces fontes dorées, cette housse develours, cette selle chevillée d'argent?- A vous-même, comme le cheval qui piaffe est à moi,comme cet autre cheval qui caracole est à Athos.- Peste! ce sont trois bêtes superbes.- Je suis flatté qu'elles soient de votre goût.- C'est donc le roi qui vous a fait ce cadeau-là?- A coup sûr, ce n'est point le cardinal, mais ne vousinquiétez pas d'où ils viennent, et songez seulement qu'undes trois est votre propriété.- Je prends celui que tient le valet roux.- A merveille!- Vive Dieu! s'écria Aramis, voilà qui me fait passer lereste de ma douleur; je monterais là-dessus avec trenteballes dans le corps.Ah! sur mon âme, les beaux étriers!Holà! Bazin, venez çà, et à l'instant même."Bazin apparut, morne et languissant, sur le seuil de laporte."Fourbissez mon épée, redressez mon feutre, brossez monmanteau, et chargez mes pistolets! dit Aramis.- Cette dernière recommandation est inutile, interrompitd'Artagnan: il y a des pistolets chargés dans vos fontes."Bazin soupira."Allons, maître Bazin, tranquillisez-vous, dit d'Artagnan;on gagne le royaume des cieux dans toutes les conditions.- Monsieur était déjà si bon théologien! dit Bazin presquelarmoyant; il fût devenu évêque et peut-être cardinal.- Eh bien, mon pauvre Bazin, voyons, réfléchis un peu; àquoi sert d'être homme d'Eglise, je te prie? on n'évite paspour cela d'aller faire la guerre; tu vois bien que lecardinal va faire la première campagne avec le pot en têteet la pertuisane au poing; et M.de Nogaret de La Valette,qu'en dis-tu? il est cardinal aussi; demande à son laquaiscombien de fois il lui a fait de la charpie.- Hélas! soupira Bazin, je le sais, Monsieur, tout estbouleversé dans le monde aujourd'hui."Pendant ce temps, les deux jeunes gens et le pauvrelaquais étaient descendus."Tiens-moi l'étrier, Bazin", dit Aramis.Et Aramis s'élança en selle avec sa grâce et sa légèretéordinaire; mais après quelques voltes et quelquescourbettes du noble animal, son cavalier ressentit desdouleurs tellement insupportables, qu'il pâlit et chancela.D'Artagnan qui, dans la prévision de cet accident, nel'avait pas perdu des yeux, s'élança vers lui, le retint dansses bras et le conduisit à sa chambre."C'est bien, mon cher Aramis, soignez-vous, dit-il, j'iraiseul à la recherche d'Athos.- Vous êtes un homme d'airain, lui dit Aramis.- Non, j'ai du bonheur, voilà tout; mais comment allez-vous vivre en m'attendant? plus de thèse, plus de glose surles doigts et les bénédictions, hein?"Aramis sourit."Je ferai des vers, dit-il.- Oui, des vers parfumés à l'odeur du billet de la suivantede Mme de Chevreuse.Enseignez donc la prosodie àBazin, cela le consolera.Quant au cheval, montez-le tousles jours un peu, et cela vous habituera aux manoeuvres.- Oh! pour cela, soyez tranquille, dit Aramis, vous meretrouverez prêt à vous suivre."Ils se dirent adieu et, dix minutes après, d'Artagnan, aprèsavoir recommandé son ami à Bazin et à l'hôtesse, trottaitdans la direction d'Amiens.Comment allait-il retrouver Athos, et même leretrouverait-il?La position dans laquelle il l'avait laissé était critique; ilpouvait bien avoir succombé.Cette idée, en assombrissantson front, lui arracha quelques soupirs et lui fit formulertout bas quelques serments de vengeance.De tous sesamis, Athos était le plus âgé, et partant le moinsrapproché en apparence de ses goûts et de ses sympathies
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