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.C’est quelque chose que le docteur Wu a dû oublier.Quand on vit dans la clandestinité pendant de si longues années, je suppose que l’on oublie pas mal de choses.Sainte mère de Dieu ! songea Juanito.Même pas capable de surprendre un aveugle en l’attaquant par-derrière ! Et maintenant, il va me tuer ! Quelle manière idiote de mourir !Il imagina ce que Kluge pourrait dire s’il apprenait ce qui s’était passé.Et Delilah.Et Nattathaniel.Envoyé au tapis par un aveugle ! Que c’est bête ! Que c’est bête ! Mais il n’est pas vraiment aveugle.En fait, il n’est pas aveugle du tout.— Pour quelle somme m’as-tu vendu, Juanito ? reprit Farkas d’une voix basse, rauque, vibrante de colère contenue.Juanito ne put émettre en réponse qu’un gémissement étouffé.Il avait la bouche pleine de fragments coupants de scories.— Combien ? insista Farkas en lui donnant un coup de genou dans la colonne vertébrale.Cinq mille ? Six mille ?— Huit, fit doucement Wu, d’une voix montant du sol.— Je n’ai pas été bradé, c’est déjà ça, murmura Farkas en plongeant la main dans la poche de Juanito pour en sortir l’arme.Debout ! ordonna-t-il.Tous les deux ! Restez l’un près de l’autre.Si l’un de vous s’avise de faire le malin, je n’hésiterai pas à vous tuer tous les deux.N’oubliez pas que je vous vois très distinctement.Je vois aussi la porte par laquelle nous sommes entrés dans la coque.Cette chose en forme d’étoile de mer, là-bas, d’où palpitent des coulées de lumière pourpre.Nous allons retourner à El Mirador et je ne veux pas de mauvaises surprises.C’est compris ? Si l’un de vous essaie de me fausser compagnie, je vous envoie une décharge mortelle et je m’arrangerai après avec la Guardia Civil.Juanito cracha les scories qui lui emplissaient la bouche.Résigné, il garda le silence.— Docteur Wu, poursuivit Farkas, sachez que ma proposition tient toujours.Vous m’accompagnez pour faire ce que je vous ai indiqué.Vous n’êtes pas à plaindre, compte tenu de ce que je pourrais vous infliger, après ce que vous m’avez fait subir.Mais soyez assuré que seules vos compétences m’intéressent.Je pense quand même que vous aurez besoin de ce cours de recyclage.Wu marmonna quelques mots inintelligibles.— Vous pouvez vous exercer sur notre jeune ami, si ça vous chante, reprit Farkas.Essayez d’abord sur lui une restructuration pour lui donner la vision aveugle et, si vous n’avez pas perdu la main, vous ferez la même chose à notre équipage.C’est d’accord ? Il ne s’y opposera pas : il est extrêmement curieux de savoir comment je perçois le monde.N’est-ce pas, Juanito ? Nous allons donc lui donner l’occasion de le découvrir directement.Farkas éclata de rire et continua de s’adresser à Juanito qui sentit le contact froid de l’aiguille dans son dos.— Si tout se passe bien, mon garçon, nous te laisserons peut-être embarquer avec nous à bord du vaisseau.Tu aimerais bien, hein ? Le premier voyage interstellaire ! Ton nom passerait à la postérité.Qu’est-ce que tu dis de ça, Juanito ? Tu deviendrais célèbre.Juanito ne répondit pas.Il avait encore la langue irritée par le contact des scories et se sentait tellement abattu, en proie à une peur et à un découragement si profonds qu’il n’essaya même pas de protester.L’arme dans les reins, il se mit pesamment en marche aux côtés de Wu, dans la direction de la porte qui, pour Farkas, avait l’apparence d’une étoile de mer.Pour lui, elle ne ressemblait aucunement à une étoile de mer, ni à une étoile, ni à aucun animal marin.Pour lui, ce n’était qu’une porte, autant qu’il pût en juger à distance, à la lumière indécise de quelques ampoules lointaines.Ce n’était qu’une porte qui ressemblait à une porte.Pas à une étoile de mer.Mais il ne servait à rien de s’interroger là-dessus, ni sur autre chose, ce n’était pas le moment, avec Farkas qui le poussait entre les omoplates avec sa propre arme.Il fit le vide dans son esprit et continua de marcher mécaniquement.En débouchant de la coque du satellite sur la place d’El Mirador, Farkas prit rapidement connaissance de tout ce qui l’entourait : le cercle de cafés sympathiques, la fontaine qui en occupait le centre, la statue de don Eduardo Callaghan, El Supremo, qui se dressait, bienveillante, sur la droite.Il ne voyait pas tout cela, bien sûr, mais sa vision aveugle lui en donnait l’équivalent : les cafés étaient perçus comme une guirlande de points-sources de lumière verte mouvante, la fontaine comme une lance de feu, le monument à don Eduardo comme un prisme blanc triangulaire en saillie, portant les traits caractéristiques, massifs et burinés, du Generalissimo.Et il y avait bien sûr les deux prisonniers, Wu et Juanito, juste devant lui.Wu – le cube luisant surmontant la pyramide cuivrée – semblait calme.Il s’était résigné à la nouvelle situation.Juanito – la demi-douzaine de sphères bleues reliées par un câble orange – était plus nerveux.Cette agitation prenait pour Farkas la forme d’une variation de la couleur de ce qu’il appelait la zone de démarcation entre l’objet-Juanito et ce qui l’entourait.— J’ai quelqu’un à appeler, dit Farkas.Restez tranquillement assis avec moi, à cette table.N’oubliez pas que mon arme est prête à tirer et que je n’hésiterai pas à le faire, si vous m’y obligez.Juanito ?— Je n’ai rien dit.— Je sais.Je voulais seulement te demander si tu avais l’intention de te montrer coopératif.Je n’ai pas envie d’être obligé de te tuer, mais, si tu tentes de faire le malin, je le ferai [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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