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.S’il ne s’était pas placé en tête du convoi, ce n’était pas qu’il n’en eût l’ardent désir, mais il ne l’avait osé.La division qui existait entre les deux chefs n’affectait en rien leur monde.Toutes les dispositions étaient favorables à Brown, dont le nom était acclamé à chaque instant avec frénésie.Dans l’après-midi, on atteignit Lawrence.C’était une ville en embryon.L’herbe croissait dans les rues à peine percées.Des arbres touffus, des jardins ébauchés, des flaques d’eau où barbotaient soit des porcs, soit des canards; des broussailles, des champs de maïs ou de patates séparaient les habitations.Et quelles habitations! des log-houses pour la plupart!Cependant, une population nombreuse et disparate se pressait devant les portes.On eût dit un congrès général où les diverses nations de l’Europe et de l’Amérique avaient envoyé des représentants.Physionomie, habillement, langue, tout avait un cachet particulier.Yankees, Allemands, Anglais, Français, Italiens, Hollandais, Indiens, étaient confondus pêle-mêle, contraste saisissant qui n’avait de parallèle que dans la diversité des idiomes usités pour traduire l’allégresse générale.Quand parut le cortège, un formidable vivat salua Brown comme un libérateur.Les hommes agitèrent leurs coiffures en l’air, et tirèrent force coups de fusil.Les quelques femmes que possédait la colonie s’avançant au-devant du héros, lui offrirent un magnifique bouquet de fleurs.L’une d’elles, au nom des habitants de la ville, fit un discours approprié à la circonstance.— Je vous remercie de tout mon cœur, pour votre bienveillant accueil, répondit Brown d’un ton grave; mais en faisant ce que j’ai fait je n’ai rempli que mon devoir.Je suis donc peu digne de tant d’éloges.Souvenez-vous, mes amis, de la maxime de l’Ecclésiaste: «Si tu suis la justice, tu l’obtiendras, et tu t’en couvriras comme d’un vêtement de gloire, et tu habiteras avec elle, et elle te protégera à jamais, et, au jour de la manifestation, tu trouveras un appui».Ces mots furent reçus par une salve d’applaudissements; puis, Brown et ses compagnons, enlevés de leurs chevaux, furent portés sur les épaules de la foule, à la place publique où l’on avait préparé à la hâte un banquet.Banquet simple et frugal.Il se composait de venaison et poisson bouilli, rôti ou fumé, pommes de terre et épis de maïs.Dressé sur des planches, que supportaient des barriques, le couvert était plus grossier encore.Rares se montraient les assiettes et les plats de faïence: des feuilles d’écorce, des écuelles de bois les remplaçaient.De fourchette, de cuiller, point.Luxe encore inconnu au Kansas, le couteau de chaque convive lui en devait tenir lieu.Pour boissons, pour liqueurs, quelques cruches en grès; celles-ci remplies d’eau, celles-là de whiskey ou de rhum.Au vin, à la bière, il ne fallait pas songer; absence complète.Le gouverneur Robinson, invité à prendre part à ce festin, s’excusa en prétextant une indisposition.On devina bien qu’un autre motif l’empêchait d’y assister; mais le repas n’en fut pas moins gai, cordial, d’un entrain charmant.On y causa de la question à l’ordre du jour — de l’abolition de l’esclavage, et des mesures à prendre afin de résister au gouverneur Shannon qui faisait alors tous ses efforts pour mettre en vigueur le bill de M.Douglass; car, ainsi que nous l’avons dit, le Kansas était partagé en deux fractions bien distinctes, l’une pour le rejet du bill, sous les ordres du gouverneur Robinson, l’autre pour son application sous ceux du gouverneur Shannon.À la fin du dîner plusieurs toasts furent portés.— À Brown!— À ses fils!— À ses amis!— À l’émancipation des nègres!— À l’union américaine!— À la liberté!Brown répondit à tous avec à propos, énergie et sagesse.On se leva de table, vers neuf heures du soir, et les habitants de Lawrence conduisirent leurs hôtes à une maison qui avait été disposée pour les recevoir.Accablés de fatigue, Brown et ses compagnons s’endormirent promptement.Pendant qu’ils reposaient, une bande d’hommes armés cerna la maison, et plusieurs militaires firent irruption dans la pièce occupée par le capitaine.Ses fils s’étaient éveillés.Ils tentèrent de défendre leur père.Mais, écrasés par le nombre, ils se rendirent après une courte lutte.On les garrotta, et on les laissa dans l’habitation dont les issues furent fermées avec soin et gardées par les troupes du gouverneur Robinson.Celui-ci se vengeait.Jaloux de la renommée et de la gloire de Brown, il avait décidé de le faire passer en conseil de guerre, sous accusation de rébellion contre son chef, et il avait trouvé des créatures pour soutenir cette accusation.VII.L’évasionLa maison qu’occupaient Brown et ses compagnons, lors de leur arrestation, était un ancien moulin sur les bords du Kansas.Il servait alors de manutention à la troupe.Le gouverneur l’avait lui-même désigné pour logement des Brownistes.Cette désignation n’avait pas été faite sans intention.Le moulin Blanc, ainsi l’appelait-on parce qu’il avait été jadis blanchi à la chaux, était situé à une portée de fusil de la ville, à l’embouchure d’un ruisseau qui se versait dans le Kansas.Cet isolement favorisait admirablement la perfidie que méditait Robinson.Il n’eut pas de peine, comme on l’a vu, à surprendre ses victimes et à les charger de liens.Ailleurs, leur cris eussent pu être entendus, et la population de Lawrence entière aurait volé à leur secours; mais là ils furent étouffés comme dans un tombeau.Se croyant sûr des officiers de son état-major, qui devaient juger Brown le lendemain, le gouverneur Robinson rentra chez lui, enchanté de son expédition.Cependant un homme avait vu les soldats rôder autour du moulin Blanc, il les avait aussi vus entrer et le bruit de la résistance était arrivé à ses oreilles.Cet homme, c’était César, le nègre.Il n’avait pas osé prendre part au banquet, s’était tenu à une distance respectueuse de son maître pendant le dîner, l’avait suivi de même, quand les habitants de Lawrence le conduisaient au moulin, et puis, il s’était, ma foi, couché à la belle étoile, près du ruisseau, après leur départ
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