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.Le moteur ronflait déjà.Rieux avait la main sur son levier de vites-se.Mais il regardait à nouveau l'enfant qui n'avait pas cessé de le dé-visager avec son air grave et tranquille.Et soudain, sans transition,l'enfant lui sourit de toutes ses dents.Albert Camus, LA PESTE (1947)61[73] - Qu'est-ce donc qu'il nous faudrait ? demanda le docteur ensouriant à l'enfant.Cottard agrippa soudain la portière et, avant de s'enfuir, cria d'unevoix pleine de larmes et de fureur :- Un tremblement de terre.Un vrai !Il n'y eut pas de tremblement de terre et la journée du lendemainse passa, seulement pour Rieux, en longues courses aux quatre coins dela ville, en pourparlers avec les familles de malades et en discussionsavec les malades eux-mêmes.jamais Rieux n'avait trouvé son métieraussi lourd.jusque-là, les malades lui facilitaient la tâche, ils se don-naient à lui.Pour la première fois, le docteur les sentait réticents, ré-fugiés au fond de leur maladie avec une sorte d'étonnement méfiant.C'était une lutte à laquelle il n'était pas encore habitué.Et vers dixheures du soir, sa voiture arrêtée devant la maison du vieil asthmati-que qu'il visitait en dernier lieu, Rieux avait de la peine à s'arracher àson siège.Il s'attardait à regarder la rue sombre et les étoiles quiapparaissaient et disparaissaient dans le ciel noir.Le vieil asthmatique était dressé dans son lit.Il semblait respirermieux et comptait les pois chiches qu'il faisait passer d'une des mar-mites dans l'autre.Il accueillit le docteur avec une mine réjouie.- Alors, docteur, c'est le choléra ?- Où avez-vous pris ça ?- Dans le journal, et la radio l'a dit aussi.- Non, ce n'est pas le choléra.- En tout cas, dit le vieux très surexcité, ils y vont fort, hein, lesgrosses têtes !- N'en croyez rien, dit le docteur.Il avait examiné le vieux et maintenant il était assis au milieu decette salle à manger misérable.Oui, il avait [74] peur.Il savait quedans le faubourg même une dizaine de malades l'attendraient, le len-demain matin, courbés sur leurs bubons.Dans deux ou trois cas seule-Albert Camus, LA PESTE (1947)62ment, l'incision des bubons avait amené un mieux.Mais, pour la plupart,ce serait l'hôpital et il savait ce que l'hôpital voulait dire pour les pau-vres.« je ne veux pas qu'il serve à leurs expériences », lui avait dit lafemme d'un des malades.Il ne servirait pas leurs expériences, ilmourrait et c'était tout.Les mesures arrêtées étaient insuffisantes,cela était bien clair.Quant aux salles « spécialement équipées », il sa-vait ce qu'il en était : deux pavillons hâtivement déménagés de leursautres malades, leurs fenêtres calfeutrées, entourés d'un cordon sa-nitaire.Si l'épidémie ne s'arrêtait pas d'elle-même, elle ne serait pasvaincue par les mesures que l'administration avait imaginées.Cependant, le soir, les communiqués officiels restaient optimistes.Le lendemain, l'agence Ransdoc annonçait que les mesures préfectora-les avaient été accueillies avec sérénité et que, déjà, une trentaine demalades s'étaient déclarés.Castel avait téléphoné à Rieux- Combien de lits offrent les pavillons ?- Quatre-vingts.- Il y a certainement plus de trente malades dans la ville ?- Il y a ceux qui ont peur et les autres, les plus nombreux, ceux quin'ont pas eu le temps.- Les enterrements ne sont pas surveillés ?- Non.J'ai téléphoné à Richard qu'il fallait des mesures complètes,non des phrases, et qu'il fallait élever contre l'épidémie une vraie bar-rière ou rien du tout.- Et alors ?- Il m'a répondu qu'il n'avait pas pouvoir.A mon avis, ça va monter.[75] En trois jours, en effet, les deux pavillons furent remplis.Ri-chard croyait savoir qu'on allait désaffecter une école et prévoir unhôpital auxiliaire.Rieux attendait les vaccins et ouvrait les bubons.Castel retournait à ses vieux livres et faisait de longues stations à labibliothèque.Albert Camus, LA PESTE (1947)63- Les rats sont morts de la peste ou de quelque chose qui lui res-semble beaucoup, concluait-il.Ils ont mis dans la circulation des dizai-nes de milliers de puces qui transmettront l'infection suivant une pro-portion géométrique, si on ne l'arrête pas à temps.Rieux se taisait.À cette époque le temps parut se fixer.Le soleil pompait les fla-ques des dernières averses.De beaux ciels bleus débordant d'une lu-mière jaune, des ronronnements d'avions dans la chaleur naissante,tout dans la saison invitait à la sérénité [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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