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.Le grand chambellan n’osa pas protester, quoique la stratégie de l’homme du Yard lui déplût souverainement.Être ainsi exposé, comme une cible, rester seul dans cet endroit inquiétant, peuplé de souvenirs tragiques… Il y avait de quoi effrayer le plus courageux.Par bonheur, Higgins ne fut absent que fort peu de temps.– Personne dans l’oratoire, annonça-t-il, soucieux.Comme c’est bizarre ! Fixer en grand secret un double rendez-vous, prendre la précaution ne pas prévenir ses invités de leur présence respective et ne pas venir… Pourquoi agir ainsi ? Une incohérence de plus dans cette affaire.Sir Timothy Raven laissa prudemment l’homme du Yard réfléchir tout haut.Faire oublier sa présence lui paraissait assez souhaitable.– Examinons les lieux ensemble, exigea Higgins.Le docteur Matthews a peut-être laissé un autre message.Allez à gauche, faites le tour.Je vais voir sous le portail.C’est avec un enthousiasme modéré que le grand chambellan s’acquitta de la tâche que lui confiait Scotland Yard.Dans la tête de Higgins, de multiples hypothèses se bousculaient.Il ne prêta pas l’oreille à ces sirènes tentatrices, préférant se concentrer sur son exploration.Il était persuadé que Richard Matthews était venu ici et avait laissé une trace de son passage.Higgins descendit une volée de marches, recouvertes de mousse, aboutissant à une étendue d’eau glauque dans laquelle baignaient les grilles du portail des traîtres, sous la Tour Saint-Thomas.Elles étaient légèrement entrouvertes, comme si un cortège conduisant un condamné à l’échafaud venait de passer.Une odeur malsaine montait de cette mare.Soudain, Higgins se figea.Le docteur Richard Matthews avait bien laissé une trace de son passage.Son cadavre.28Le corps du docteur Matthews flottait dans l’eau glauque, tout près de la grille.Higgins le contempla un long moment, frappé par l’horreur de cette fin.Un rire dément déchira le brouillard.L’ex-inspecteur-chef se retourna.Il lui sembla apercevoir le vieuxYeoman,entre deux créneaux.Le passage d’un corbeau, battant lourdement des ailes, lui ôta tout doute sur l’identité du rieur.Le « spectre », une fois encore, se trouvait présent sur le lieu du drame.– Les premières constatations sont terminées, annonça Scott Marlow.J’ai demandé une autopsie très rapide.Higgins avait interdit à quiconque de s’approcher du portail des traîtres, sauf au superintendant et à deuxYeomenqui avaient tiré le corps de l’eau avant l’arrivée de policiers en uniforme.– Quel affreux accident, commenta Scott Marlow, déprimé par le climat, la Tour de Londres et cette seconde mort violente.– Ce n’est pas un accident, dit Higgins, très sombre, mais un meurtre.Scott Marlow eut un haut-le-corps.– Il faut attendre les résultats de l’autopsie pour…– C’est un meurtre, répéta Higgins, indifférent à la restriction formulée par le superintendant.Un meurtre que nous n’avons pas su empêcher.Je piétine, mon cher Marlow.L’assassin se prépare peut-être à frapper une troisième fois.Allez perquisitionner au domicile du docteur Matthews, superintendant, et rapportez-moi tout ce que vous y découvrirez d’insolite.Scott Marlow sentait Higgins un peu perdu, incapable de trouver le fil d’Ariane qui le conduirait à la solution de l’énigme.Ce qui signifiait, pour le superintendant, un tragique revers de carrière mettant fin à ses ambitions.– Higgins, supplia-t-il, il ne faut pas renoncer.Scotland Yard nous regarde.La reine ne supporterait pas un échec.– Moi non plus, répliqua l’ex-inspecteur-chef.J’y passerai le temps qu’il faudra, superintendant, mais je trouverai.On se moque de moi, ici.Il existe un véritable complot.Scott Marlow se demanda si Higgins ne cédait pas au délire de la persécution, irrité de connaître une défaite.Mais peu importaient les raisons pour lesquelles il était décidé à poursuivre sa lutte contre le crime.Seul le résultat comptait.– Inspecteur, commença le gouverneur qui avait convoqué Higgins dans son bureau, la situation devient intolérable.Un fou dangereux hante la Tour de Londres, et la police ne fait rien pour le découvrir ! D’abord ma pauvre épouse, ensuite le docteur Matthews… Qui sera la troisième victime ?Higgins contemplait les admirablesnetzuke,les boutons de samouraï appartenant à Lord Fallowfield.– Pourquoi l’assassinat de votre femme a-t-il été perpétré ici ? Pourquoi ne pouvait-il pas être commis ailleurs ? Voilà la question que je considérais comme primordiale, Lord Henry, avant le meurtre du docteur Matthews.– Et s’il s’agissait d’un accident ? avança le gouverneur.Si ce malheureux Matthews avait tout bonnement glissé ?Higgins eut un regard conciliant à l’adresse du gouverneur.– Vous n’y croyez pas davantage que moi, Lord Henry.Inutile d’essayer de nous leurrer.C’est bien le crime qui rôde ici, avec toute sa cruauté.Lord Fallowfield fut impressionné par la sombre détermination de Higgins.Il oublia les multiples reproches qu’il était décidé à lui adresser.– Auriez-vous dans vos relations une femme portant voilette ? interrogea Higgins.Le gouverneur prit un temps de réflexion.– Non… je ne crois pas.– Même parmi desladiesd’un certain âge ?– La plupart suivent la mode et ont abandonné la voilette.Higgins commença à faire les cent pas dans le bureau du gouverneur.– Pensez-vous, comme le lieutenant Holborne, que cette femme n’existe que dans l’imagination de Myosotis Brazennose ?– Je n’ai pas d’opinion arrêtée sur ce sujet, inspecteur.Mais j’aurais tendance à faire confiance au lieutenant Holborne.Miss Brazennose a pu inventer n’importe quoi pour se dédouaner.N’oublions pas que c’est une voleuse.– À condition que ce soit bien elle qui ait subtilisé la clé.Pour le reste… À tout à l’heure, Lord Henry.Scott Marlow, à son corps défendant, fut contraint de pénétrer dans la « chambre du condamné » où Higgins lisait et relisait les notes prises sur son carnet noir.Il n’y avait plus de faux sang sur les murs, mais le caractère de geôle n’en était pas atténué pour autant.– Je reviens de chez le docteur Matthews, annonça-t-il.Un petit appartement de deux pièces, près de la gare de Fenchurch Street, à quelques minutes à pied de la Tour.Higgins leva les yeux vers son collègue.– Je vous écoute, mon cher Marlow.Le superintendant tenait à la main un paquet ficelé tout en longueur, fort peu épais, portant un tampon du Yard.– Ce logement est plutôt poussiéreux et pauvret, caractéristique d’un célibataire manquant de soin.– Traces de cambriolage ? interrogea Higgins.– Certainement pas.– Du désordre ?– Pas le moindre.– Étrange, pour un individu déséquilibré et suicidaire [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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