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.Les cheikhs égrenèrent leur chapelet pendant que Mohamed Bokar citait les passages du Coran qui justifiaient l’extermination des païens.Lorsqu’on célébra la prière de midi, la cause était entendue ; al-Azhar ne s’opposerait pas à la révolution islamique et se prononcerait en fonction de l’évolution de la situation.Le khan el-Khalili, célèbre bazar du Caire et piège à touristes, se morfondait.Dans les ruelles où ne circulaient que des ânes, les portefaix chargés de cageots et de caisses continuaient à livrer des marchandises aux douze mille échoppes privées de la clientèle occidentale, si friande de faux.Seuls les connaisseurs décelaient quelques belles pièces en or ou en argent, ou bien parvenaient à se procurer des métaux précieux à un prix avantageux.Le vieux souk, d’où la lumière du soleil était bannie, sentait la friture et l’urine ; les derniers joailliers et incrustateurs de nacre regardaient d’un mauvais œil leurs collègues vendre des produits importés de Hong Kong.Malgré son aspect frelaté, Mohamed Bokar aimait le khan el-Khalili, car il lui rappelait le bazar de Téhéran où avait pris naissance la première grande révolution islamique.Convaincre les commerçants qu’un changement de régime accroîtrait leurs bénéfices était l’un des éléments de sa stratégie ; aussi, grâce aux subsides fournis par l’Arabie Saoudite, avait-il tissé un réseau de négociants favorables à l’islamisation radicale de la société.Ni la police ni ses indicateurs n’avaient accès aux venelles les plus secrètes du khan el-Khalili ; un visage suspect eût aussitôt été repéré.Kaboul indiqua à Mohamed Bokar que la journée d’agitation, qui se terminerait par un attentat contre un commissariat de police, serait un franc succès ; dès le lendemain, la province prendrait le relais.Grâce aux mosquées, implantées dans les endroits les plus reculés, les mots d’ordre seraient relayés selon le plan prévu.La victoire approchait ; il ne restait plus qu’un degré à franchir.Une phase des plus délicates qui risquait de ruiner le projet, un épisode d’autant plus irritant que Mohamed Bokar ne disposait d’aucun moyen d’agir sur les événements.Il venait chercher une réponse qui lui donnerait ou non l’ultime feu vert.Il serra son chapelet à le briser ; Allah lui refuserait-Il la grâce de devenir le nouveau conquérant de l’Égypte ? Certes, son dossier et ses actions passées plaidaient en sa faveur ; mais ce n’était pas sur ces bases-là que la décision serait prise.Bokar et Kaboul traversèrent un atelier de joaillier, l’arrière-boutique et montèrent un escalier qui débouchait dans une immense pièce d’un luxe inouï.Marbres rares, tapis persans d’une exceptionnelle qualité, meubles anciens en bois exotique, fauteuils en cuir où étaient assis onze hommes âgés en galabieh blanche.Ils admiraient des femmes superbes, visage découvert, défilant sur un podium ; elles portaient des robes de soie verte, jaune, rouge, plus ou moins courtes sur des pantalons chamarrés, des châles, des manteaux brodés.Maquillées, parfumées, elles arboraient colliers et bijoux ; des fleurs dessinées au henné ornaient leurs mains et leurs pieds.Un défilé de mode !Abasourdi, Mohamed Bokar se demanda s’il n’était pas tombé dans un asile de fous ; mais il connaissait la plupart de ces spectateurs, dont le Saoudien chargé de traiter avec les terroristes égyptiens.Lorsque ce dernier s’aperçut de la présence de son hôte, il lui fit signe de s’asseoir à sa droite.Les jeunes femmes s’éclipsèrent quelques instants derrière un paravent et réapparurent… en maillot de bain ! Non point des drapés enveloppant le corps entier, et seulement autorisés autour des piscines privées, mais d’indécents bikinis qui révélaient les formes épanouies des mannequins arabes, chaussés d’escarpins rehaussés de diamants.Conscient de la gêne de Mohamed Bokar, le Saoudien lui murmura à l’oreille un passage de la soixante-dix-huitième sourate du Coran : « Aux hommes pieux reviendront un lieu convoité, des vergers et des vignes, des belles aux seins formés, d’une égale jeunesse, et des coupes débordantes.» Les paroles du livre saint ne calmèrent pas « l’émir » ; lorsque l’une des belles dégrafa son soutien-gorge et fit glisser son slip le long de ses jambes, bientôt imitée par ses camarades, Mohamed Bokar se leva, indigné.— Qu’est-ce que ça signifie ?— La beauté vous choquerait-elle ? interrogea le Saoudien.— C’est de la pornographie, une insulte à la loi du Prophète !Le Saoudien sentit que la colère de l’Égyptien n’était pas feinte et sa réputation de pisse-froid non usurpée ; poursuivre cette petite fête comme il l’avait prévu aboutirait à un grave incident.— Vous avez raison, Mohamed ; ce sont précisément ces horribles spectacles qu’interdira à jamais l’application de la charia.Pour éradiquer le mal, ne faut-il pas le connaître ?Un claquement de doigts fit disparaître les jeunes femmes nues et les spectateurs privilégiés ; le Saoudien resta seul face à Mohamed Bokar.Ce dernier recouvra son calme.— De nouveaux fonds ont été débloqués, révéla le Saoudien ; les sociétés islamiques de placement sont désormais bien pourvues.Dans l’avenir immédiat, leurs dépôts vous serviront.Mohamed Bokar s’inclina ; pourtant, cette bonne nouvelle n’apaisa pas son anxiété
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