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.— Ça n’empêche, poursuivit Léonie, en jetant un coup d’œil sur le Petit-Aigle, qu’on voyait attelé à la roue du gouvernail, dans sa guérite, au-dessus de la machine; ça n’empêche, c’est une drôle d’aventure que la vôtre, je voudrais bien en avoir une comme ça, moi: être souveraine d’une tribu sauvage jusqu’à vingt ans, puis, tout à coup, rencontrer un parent, comme mon cousin Cherrier, qui vient de la Louisiane, dans le désert, exprès pour moi, m’enlève à mes sujets et me marie[35].Vraiment, Louise, vous avez eu trop de bonheur! J’envie votre sort!Celle à qui s’adressait cette réflexion traîna vers son mari un long regard d’amour.— Ce serait juste, si vous aviez dit que le trop heureux, c’est moi, dit-il.— Égoïste! murmura joyeusement Louise.— Mais, s’écria Xavier, de quoi vous plaignez-vous, ma belle cousine! vous avez parmi vos galants un gentilhomme accompli.— Sir William! riposta-t-elle avec une moue dédaigneuse.— Il est très riche, titré.— C’est la moindre de mes préoccupations.— Il vous adore.— Et je le déteste.— Hypocrite, va! dit Xavier en la poussant légèrement du genou.— Vous croyez!— J’en suis sûr.— Eh bien, voulez-vous savoir la vérité?— Nous vous défions de la dire.— Oui-dà? repartit-elle d’un ton piqué.— Parlez, ma chère Louise, car moi je suis convaincus que vous serez franche, dit madame Cherrier.— Alors, répliqua la jeune fille, de sa voix railleuse, je vous déclare que j’aimerais mieux ce beau sauvage que le noble sir William King.Une nouvelle explosion de rire accueillit cette plaisante déclaration.— Ma foi, oui, ajouta Léonie, cette fois d’un accent sérieux; sir William me déplaît.Et s’il ne tient qu’à moi, jamais je ne l’épouserai.Quoiqu’il soit venu exprès de Montréal pour me chercher chez ma tante où j’étais, Dieu merci, parfaitement, je vous jure que si vous ne m’eussiez pas accompagnée, je ne serais pas descendue avec lui, malgré les ordres de mon père.D’abord il a toujours à la bouche quelques mauvais propos contre les Canadiens, puis, enfin, il s’est permis une fois des libertés.Ah! mon Dieu, qu’est-ce que c’est que cela?Cette exclamation avait été arrachée à la jeune fille par un violent mouvement de tangage.— Rien, poltronne; nous sautons les rapides; faites des vœux pour que votre Adonis Peau-Rouge ait le coup d’œil juste et la main terme, répondit Cherrier.Le Montréalais venait effectivement de s’engager dans un étroit chenal, lequel, serpentant entre les écueils du Sault Saint-Louis, permet aux vapeurs de franchir la dangereuse passe.De toutes parts l’onde bouillonnait autour du navire et le fouettait de ses gerbes liquides, qui s’égrenaient en des milliards de gouttelettes scintillant aux rayons du soleil à son déclin, comme de la poussière de rubis, avant de retomber, en fine pluie, sur le pont.Tous les passagers avaient suspendu leurs conversations, et, malgré ces rosées consécutives, se tenaient immobiles pour contempler le spectacle qu’ils avaient sous les yeux.Devant eux, à perte de vue, le fleuve semblait rouler des mamelons de neige, qui s’agitaient incessamment avec la fluidité du vif-argent.Mais, s’abaissant sur le côté, les regards reconnaissaient bien vite que cette neige mobile n’était que l’écume des eaux, hachées par une multitude infinie de rochers de formes et de couleurs variées, disséminés, comme des gradins, sur toute la largeur du Saint-Laurent.Si cette scène n’a pas le caractère imposant des grandes cataractes, elle est émouvante; elle produit une certaine sensation d’effroi, la première fois qu’on la parcourt emporté sur un bateau à vapeur.Le Montréalais plongeait entre les récifs, ainsi que plonge, entre des vagues géantes, le navire battu par la tempête; sa proue se trouvait toujours à plusieurs pieds au-dessous de la poupe, ce qui obligeait les passagers à s’appuyer à la lisse pour conserver leur équilibre.Et, à tout moment, ou pouvait craindre qu’il ne se déchirât sur la herse de roc qu’un caprice de la nature a fixée à cet endroit.Un éblouissement du pilote, un engourdissement passager de son bras, une seconde d’inattention de son esprit, et c’en était fait du vaisseau, de ceux qui le montaient.Nul n’eût pu échapper à sa destruction.Tous auraient été mis en pièces, lacérés de mille manières avant d’être engloutis par l’abîme inexorable.Une agonie lente, affreuse, sans remède, eût été le seul et triste avantage laissé aux plus vigoureux nageurs.Mais Co-lo-mo-o connaissait son métier.Le Montréalais, dirigé par une main expérimentée, opéra gaillardement la descente: au bout de deux minutes, il se redressait calme et fier dans la baie de la Prairie.Déjà chacun des passagers souriait de son émoi, ou renouait les entretiens interrompus, et le sifflet éclatant de la machine proclamait le triomphe du vapeur, quand un cri sinistre porta le trouble dans tous les cœurs.— Le feu! le feu est au navire!Ce cri, en mer le plus épouvantable de ceux qui peuvent frapper l’oreille humaine, gagna, de proche en proche, toutes les parties du bâtiment, depuis les cabines supérieures jusqu’à la cale, et bientôt une masse compacte de deux cents individus se foula sur le pont.Je renonce à peindre la stupeur, les exclamations vibrantes, le désordre! Vainement le capitaine essaya-t-il de donner des ordres, sa voix ne fut pas entendue, ses gestes ne furent point écoutés.Cependant on ignorait encore si la terrible nouvelle était vraie ou fausse, lorsqu’une flèche de feu jaillit soudainement, au-dessous de la cage du pilote, par l’écoutille qui conduisait à la chambre du machiniste.Co-lo-mo-o ne sourcilla point.Sans déserter son poste, malgré la flamme qui grimpait à ses pieds et malgré les clameurs, le bruit inqualifiable, il tourna le cap vers le rivage de la Prairie qu’on distinguait à travers le crépuscule, à un mille de distance au plus.Par malheur le vaisseau cessa subitement d’avancer, les chauffeurs ayant abandonné leurs fourneaux.Les passagers et les matelots se ruèrent avec fureur sur les embarcations pendues aux portemanteaux.Dans leur frénésie, ils renversaient et foulaient sans pitié les femmes, les enfants.Plusieurs râlaient étouffés par la cohue.Une chaloupe détachée tomba à l’eau et sombra; une autre fut enfoncée par le poids des personnes qui l’envahirent dès qu’elle eut été mise à flot; la troisième parvint à s’éloigner de quelques mètres du foyer de l’embrasement qui, en moins de rien, avait pris les plus vastes proportions; mais le fleuve était jonché de naufragés, se soutenant, se submergeant, se suicidant les uns les autres: — aux premières lueurs de la conflagration, ils s’étaient précipités dans le Saint-Laurent.Ces malheureux, hommes et femmes, s’accrochèrent désespérément à la troisième chaloupe et la firent chavirer [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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